Sid Ali, dit Sidou, est décédé le 25 janvier 2024, place de Bitche.
Il fait frais en cette journée de début mars. La pluie qui s’est abattue sans relâche sur Paris depuis plusieurs semaines, s’est tue depuis quelques jours. Sur les bords du canal de l’Ourcq, près de la passerelle de la Mozelle, des silhouettes commencent à s’assembler. Près d’une trentaine de personnes seront présentes ce jour-là, réunies pour rendre hommage à Sidou. Des photographies ont été imprimées et encadrées pour l’occasion. Elles sont clouées sur une palissade, aux côtés de roses rouges et jaunes. On peut y apercevoir au centre, un portrait au regard fier.
Durant cette cérémonie « d’hommage libre », ne se tiennent pas de discours. C’est au fil des discussions que la mémoire de Sidou prend vie. Les personnes réunies, se retrouvent en petits groupes, passant de l’un à l’autre pour partager leurs souvenirs de cet homme qui a tant marqué le quartier. Certain·es ont connu Sidou à l’occasion de maraudes, d’autres sont des habitant·es des environs qui l’ont rencontré dans la rue au cours des années, certain·es encore ne l’ont croisé que récemment le temps d’une journée.
De ces témoignages transparaît surtout la vitalité qui animait Sidou. On se souvient de son « rire de canaille » et de son côté « pétillant », « toujours avec le sourire et de bonne humeur ». Sidou était un homme vif, constamment en mouvement, « qui n’avait jamais le temps ». Avec lui, impossible de convenir d’un rendez-vous. Il surgissait au détour d’une rue et embarquait ses rencontres dans ses conversations et ses « pérégrinations ».
Sidou menait « ses affaires » de la rue de Meaux, au Faubourg-Saint-Antoine, en passant par la place de Stalingrad. Camille se souvient de lui comme d’un « véritable chiffonier à l’ancienne », faisant affaires avec des commerces de seconde main pour échanger des vêtements ou tout autre objet trouvé à la rue ou troqué. Les magasins qu’il connaissait le mieux faisaient office de points de stockage sur son circuit de « magouilles ». Bertrand se rappelle de personnes venant dans son restaurant pour déposer des affaires « sur ordre » de Sidou. Le gérant souligne au passage l’incroyable bagou de cet homme qui pouvait débarquer avec un vélo sous le bras et réussir à le vendre à des client·es en terrasse. Toujours dans la joie de vivre, l’inarrêtable Sidou prenait les numéros et les cartes de tout le monde et ne manquait pas au passage de faire la pub pour le restaurant de son ami. Lors de ses innombrables tournées, Sidou a marqué ses connaissances par sa générosité. Il avait une pensée pour chacun. A un boulanger, à des membres de maraude, il ramenait des jouets pour leurs enfants. A Bertrand, restaurateur et caviste, il offrait à l’occasion, des bouteilles de vin rouge.
Décrit par ses proches comme un « érudit » qui débattait de tous les sujets, Sidou adorait lire et écrire. Le baroudeur avait souvent sur lui plusieurs journaux et un stock de carnets dans lesquels il aimait coucher ses pensées et ses vers. La rue était sa feuille de prédilection. Dans les souvenirs de Camille : « Sidou était très connu dans le quartier, notamment par ses poèmes qu’il nous offrait sur les murs, inégalables avec leur syntaxe plus qu’approximative ». En déambulant dans les environs de Stalingrad et de Jaurès, on pouvait voir « du Sidou ». Des messages datés et signés de sa main se découvraient au matin sur les parois du commissariat ou sur les stores du bistrot de Bertrand.
Sur les murs, le bitume des trottoirs, le carton d’écriteaux accrochés aux arbres ou encore sur des boîtes de Subutex, Sidou donnait ses mots à voir à ses ami·es et aux passant·es.
Rita et Irène
Mémoire des morts de la rue 