Il arrive parfois que nous n’arrivions pas à obtenir d’informations sur la vie des personnes auxquelles nous voulons rendre hommage. C’est le cas de cet homme, dont nous ne connaissons que le prénom et l’âge, la date et le lieu du décès.
Le samedi 2 septembre marque à la fois l’arrivée et le départ de Jean-Pierre de la rue du Faubourg Saint-Denis. Encore inconnu la matinée, il s’est trouvé une place devant la grande porte du 77. Recroquevillé sur lui-même au milieu des pavés grisâtres de l’allée d’entrée, Jean-Pierre s’est fait discret tout au long de la journée. Il était pourtant bien là, une canette à ses pieds, dans cette rue où les passant·e·s s’autorisent à flâner. Très tôt, le coiffeur et la dame du pressing avaient remarqué sa présence. Essayant d’engager la discussion avec lui, ils se sont aperçus de son teint fiévreux. Jean-Pierre semblait déjà trop épuisé pour répondre à leur sollicitation. Il restait immobile et silencieux, sans doute se sentait-il déjà partir.
Les deux commerçants sont restés attentifs à lui toute la journée, les regards de la dame du pressing depuis le trottoir d’en face et celui du coiffeur situé tout juste à côté étaient rivés sur lui. Jean-Pierre semblait ne même plus ressentir la faim ou la soif ; « il n’a pas bu ou mangé de la journée », se souviennent-ils. Préoccupés par son état, ils sont revenus vers lui à plusieurs reprises en lui proposant de l’aide, en vain. Probablement était-il déjà trop tard et n’avait-il plus la force de lutter contre les épreuves de la vie en rue. Il a passé la journée entière devant cette porte jusqu’à l’arrivée des pompiers en début de soirée. Jean-Pierre a choisi de venir vivre ces derniers instants dans un quartier qui ne le connaissait pas ; mais ce n’est pas pour autant qu’il est parti dans l’indifférence. Des personnes l’ont entouré durant ses derniers instants. Il s’est éteint à l’âge de 53 ans.
Mémoire des morts de la rue 
Quel crève-coeur, cette solitude !… qu’il repose en paix.
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